Un grand tableau en métal gris qui clignotait à chaque instant et qu’elle commandait du lundi au vendredi de 9 à 18 depuis le rez-de-chaussée de l’hôtel particulier. De sa voix douce que la cigarette voilait elle s’excusait d’une trop longue attente, transférait les appels, insistait lorsque l’interlocuteur demandé tardait à décrocher. Elle ne parlait que le français mais à cette époque-là cela n’avait pas d’importance. À sa gauche se trouvait un télex qui, du matin au soir, sortait de fines bandes codées qu’elle seule savait décrypter. Une petite fenêtre donnait sur la cour de l’hôtel particulier. Souvent il pleuvait. Elle signait les recommandés, recevait les paquets, buvait sa Ricoré en fumant, accueillait avec le sourire les visiteurs derrière l’hygiaphone et prévenait les cadres des étages que leur rendez-vous était arrivé. Chaque matin à 10h des secrétaires descendaient papoter du film de la veille, des vacances à venir, des soucis à la maison. Rien de ce qui se passait au 46 avenue de Villiers ne lui était étranger et ainsi placée au cœur du monde, du lundi au vendredi de 9 à 18, elle reprenait son souffle.