Voici le plan d’Alger de 1961 – le dernier auquel on peut se rattacher – déplié sur la table desservie à l’heure du café. Toute l’action se déroule sur un périmètre incroyablement réduit. Trois domiciles en quinze ans : l’hôtel du Bosphore, le grand appartement de la rue Jenina et, si l’on omet l’exfiltration nocturne en camion militaire fin 61, une dernière adresse, rue Borély la Sapie. Dix minutes de marche d’un immeuble à l’autre. La vie de famille sur un timbre-poste, entre l’école des sœurs pour les petits, les bureaux de Schiaffino sur le port et le Monoprix du bas de la rue d’Isly.
À l’heure où aucun plan fidèle d’Alger n’est disponible, il faudra en créer un à soi qui témoignera de nos identités successives en prenant en compte le changement d’alphabet et la substitution d’un héros à un autre sur les plaques de rue. On imprimera ce plan en A3 couleur sur du papier 90 g. Pour une meilleure lisibilité, on se conformera aux codes Michelin : vert pour les parcs, bleu ciel pour la mer, gris pour les industries. À première vue tout sera simple et objectif. Il faudra alors saisir la feuille à deux mains, la malaxer comme on pétrit la pâte à pain puis la déplier sans la lisser. Quels reliefs apparaîtront alors, quelles montées abruptes, quelles ruelles tortueuses ? On donnera la même carte à un autre pied-noir qui, reproduisant les mêmes gestes, créera sa propre ville issue du hasard – une géographie nouvelle.
Mais quel lien établir entre cette carte triturée par nos mains exilées et la réalité observée ce matin par le promeneur algérois ?
et après qu’il ait connu à peu près toutes les mers, la carte marine du port d’Alger en face du lit de la fin de vie de mon père
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C’est toute la différence entre ceux qui sont partis, ceux qui sont là-bas. La passerelle pour traverser … elle est dans ces textes probablement, dans les deux sens.
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